Les grecs pour parler de « déménagement » employaient le terme de metoïkesis qui indique selon son étymologie non seulement un changement de lieu (oikos), passage d’un ici à un ailleurs mais aussi d’un passage à un au-delà du lieu, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs ; une sorte de « non lieu » dans lequel se trouve en effet celui qui déménage. Qu’il déménage pour des raisons tragiques, liées à la guerre (ce n’est plus un déménagement mais un exil) ; pour des raisons professionnelles (promotions ou faillites), familiales (rupture, divorce ou au contraire mariage, enfants, qui nécessitent plus petit ou plus vaste appartement) ; pour des raisons légères, (voyages, vacances où le passage de l’ici à l’ailleurs est espéré comme détente et récréation).

Mais déménager, c’est d’abord « quitter », et le choix de ce qu’on laisse ou de ce qu’on emporte dans ses cartons et sa mémoire, n’est pas toujours simple ; en attendant, on est « nulle part », entre deux chaises, trônes ou tabourets, on sait ce qu’on quitte (le sait-on vraiment ?) on ne sait pas ce qu’on va trouver… sans doute encore soi-même, une autre part de soi-même, un autre inconnu ?

Chacun reconnaît son lieu propre, sa véritable maison (oikos) comme étant un lieu où on est davantage soi-même. C’est pour cela qu’il nous faut parfois impérativement déménager, changer de lieu, de milieu, pour ne pas périr ou étouffer et ne jamais devenir ce qu’on est vraiment.

On ne répond plus à l’appel de la Vie, à vivre davantage, plus intensément ; à l’appel de la lumière, à être de plus en plus clair et vrai ; à l’appel de l’amour, à se donner pour ne plus se perdre… Mais arrive–t-on un jour chez soi ? C’est-à-dire à être vraiment soi ?

Notre ultime demeure est-ce la tombe ? Là où on est sûr de ne pas se raconter d’histoire et de ne plus se mentir.

S’il faut quitter ainsi notre « identité narrative »pour accéder à notre identité réelle, faut-il vraiment attendre de mourir ? Ne pourrait-on pas commencer par se taire, être là, sans regrets, sans attentes d’un lieu ou d’un autre qui nous était ou nous sera favorable ? Déménager de notre mental vers notre cœur ?

Notre metoïkesis, « changement d’adresse » peut cacher une métanoïesis plus profonde, un changement de conscience.

Quoi qu’il en soit, déménager n’est jamais loin de la question « naître ou ne pas naître » ? C’est demeurer dans le mouvement présent de la Vie, qui se donne, « toujours neuve » sous un soleil toujours brûlant…

Crédit photo : ©Jean-Yves Leloup

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