En traversant les péchés qui sont maladies de l’âme, Jean-Yves Leloup encourage à risquer « un pas de plus », une conversion appelée « métanoïa ».
- Christophe Henning,
- le 24/09/2020
Albin Michel, 170 p., 15 €
La barbe généreuse, cheveux gris tirés en catogan, le regard clair et le visage buriné par le temps, Jean-Yves Leloup a une figure de sage. À 70 ans, ce prêtre orthodoxe se refuse à être considéré comme un maître. Pourtant, nourri de plusieurs traditions et fidèle au christianisme, écrivain et conférencier, il a creusé, au fil du temps, une voie particulière. Retrouvant la richesse des enseignements orientaux dans la grande tradition chrétienne, ce spécialiste des Pères de l’Église invite à la réconciliation avec soi-même et à l’ouverture à plus grand que soi. Cette metanoïa qui donne son titre à son dernier ouvrage.
« Face aux colères, violences et tristesses contemporaines, qui oserait proposer des solutions autres qu’économiques, sociales ou psychologiques ? Qui oserait inviter à une révolution spirituelle ? » Un chemin de libération que trace l’auteur en revisitant ce qu’on désigne habituellement comme « péchés », qu’il aborde davantage comme des « pensées », voire des « passions », à traverser, à soigner « à partir de ce qui va bien ». En courts chapitres – qu’il faut peut-être prendre le temps de lire jour après jour – il explore aussi bien la maladie de gourmandise, la perversion de l’avarice ou encore la colère, la vanité, etc.
Démarche d’enseignement
La démarche tient à la fois de l’enseignement et de l’accompagnement, invitant le lecteur à la conversion, « ces pas de plus que nous pouvons faire pour sortir de ce qui empoisonne et pervertit notre vie, notre conscience et nos amours ». Une manière holistique d’approfondir la relation à Dieu et aux autres, élaborée au gré de plusieurs décennies. Dominicain durant une quinzaine d’années après un détour de jeunesse par Katmandou, traducteur de l’Évangile de saint Jean mais aussi des apocryphes de Thomas et Marie, Jean-Yves Leloup a été rattrapé par l’Église orthodoxe : « On devient chrétien dans le silence », confie-t-il aujourd’hui.
Après une quarantaine d’ouvrages, le prêtre a bâti ce nouveau petit livre autour de la prière orthodoxe du souffle – l’hésychasme – et de l’invitation à l’ouverture du cœur. Cet itinéraire est né de la lecture des Pères du désert, d’Évagre le Pontique tout particulièrement, mais aussi de l’animation de petites communautés orthodoxes au Brésil, où il vit depuis plusieurs années. Loin de donner des leçons, Leloup ouvre des perspectives : « L’homme est un miroir libre, tourné vers la lumière ou vers le chaos. » Et invite à cet exercice de conscience décapant qui engage tout l’être sans tabou ni réserve : « Tout ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé, prévient-il. Rien de ce qui est humain n’est étranger à la divinisation. » Vouloir se séparer de tout ce qui fait l’homme est mortifère : « Manquer d’appétit, manquer de désir, c’est déjà manquer d’amour, écrit Leloup. Manquer de joie, d’espérance, d’humilité, de simplicité, c’est encore manquer d’amour. »
Le style libre de toute chapelle, les références aux Pères de l’Église et aux origines grecques ainsi qu’une certaine poésie de l’écriture pourront freiner le lecteur, qui peut malgré tout passer outre et avancer dans la démarche. Petit à petit, il s’agit de creuser plus profond, plus avant, et se laisser guider avec cette promesse : « Chaque pas de plus nous vide de nous-mêmes et en même temps nous comble et nous enrichit. »