Quelle est cette paix qu’appellent sur Jérusalem et sur le monde « ceux qui aiment » ?

Qu’ils soient paisibles eux-mêmes, c’est sans doute la première condition pour que se réalise déjà dans leur propre corps et leur propre esprit la paix qu’ils souhaitent à tous.

Le mot hébreu Shalom dérive d’une racine qui désigne le fait d’être intact, entier ; être en paix, c’est être « entier », nous ne sommes pas en paix parce que nous ne sommes pas entièrement là… Quelle est la partie de nous-même qui nous manque, oubliée ou refoulée – qu’est-ce qui nous empêche d’être en paix ?

On remarquera que lorsque nous sommes des amoureux, nous sommes davantage « entiers ». L’amour nous rassemble, rien ne nous manque plus alors en nous-même, tout est « tourné vers » l’autre.

Le commandement ou l’exercice (mitzvot) proposé par l’écriture est un exercice thérapeutique, dont le fruit est de nous faire « Un », corps, cœur et esprit, donc d’être heureux et en paix :

« Tu aimeras « Celui qui était, qui est qui et qui vient », de toutes tes forces, de tout ton cœur, de tout ton esprit et tu aimeras ton prochain, celui qui était, qui est et qui vient, comme toi-même, tel que tu étais, tel que tu es, tel que tu deviens… »

La paix embrasse tous les temps. Peut-on être en paix avec son présent, si on ne l’est pas avec son passé ? Peut-on être en paix avec « ce qui vient » si on n’est pas en paix avec son présent ?

Quand Jésus, dans l’Évangile, dit à quelqu’un Shalom, c’est vraiment un « salut », une guérison, quand il dit à la femme hémorroïsse : « Va en paix », il lui rend la santé. De la même façon, à ceux qui se sont égarés de diverses façons, quand il leur dit « va en paix », ils ont le cœur, le corps et l’esprit lavés de leur culpabilité, ils peuvent vraiment se remettre en route et voir « toutes choses nouvelles ».

Être en paix, ce n’est pas être béat et se croire vulnérable. Le don de la paix suppose une métanoÏa, une transformation de sa vie et de son mode d’être et de penser. Michée, Jérémie dénonçaient ainsi les faux prophètes qui n’ont que le mot « paix » à la bouche et l’ambition et autres volontés de puissance au cœur : « ils guérissent superficiellement la plaie de mon peuple en disant « paix, paix » et pourtant il n’est point de paix » (Jr 6, 14)

« Je vais faire couler sur Jérusalem la paix comme un fleuve… » En attendant, « bienheureux, les « artisans » de paix ». La paix est un « artisanat », ce n’est pas une industrie. La différence entre l’artisan et l’ouvrier, c’est que l’artisan réalise un objet, une œuvre dans son « entièreté », il y travaille du début à la fin. Ce qu’on vole à un ouvrier qui travaille à la chaîne, c’est l’accès à l’objet dans son entièreté.

Ainsi être « artisan » de paix, c’est essayer de vivre, ne serait-ce qu’une seule relation dans son entièreté, de la façon la plus vraie et paisible qui soit.

Jésus demande de faire la paix, et d’aimer le prochain, le plus proche, et non de faire la paix et d’aimer « L’humanité », « le monde ». Le mot paix, les discours sur la paix ne font pas de nous des « artisans de paix », mais des idéologues, des discoureurs, de prétentieux prétendants à la paix, « mais il n’y a pas de paix… ».

La question alors pour celui qui, à Jérusalem ou ailleurs, veut connaître le bonheur des artisans de paix, ce n’est plus : « Qu’est-ce que la paix ? » mais : « Qui est mon prochain ? ». Il suffit alors d’avoir des yeux et de « voir » quelle relation très concrète il nous faut « apaiser », comprendre et « réconcilier »…

Cela commence sans doute en nous-même. Tant que nous n’aurons pas fait la paix entre nos différents quartiers (tête-cœur-vente), il n’y aura pas de paix entre les différents quartiers de Jérusalem.

« Trouve la paix intérieure, disait saint Séraphin de Sarov, et une multitude sera sauvée à tes côtés. »

C’est par la plus proche qu’il s’agit toujours de commencer, c’est le premier pas de tous les chemins qui conduisent à la paix. Le calme des arbres secoués par la tempête étonne une forêt de calme.

Dictionnaire amoureux de Jérusalem, P.628-631