Photo© Jean-Yves Leloup

Vivre jusqu’au bout les paradoxes parfois insoutenables de l’Incarnation. Notre vie inséparable de la mort ne peut qu’être paradoxale… Alors, aimer la nuit et s’attendre au jour ; aimer le jour et laisser venir la nuit… sans oublier cet Autre espace ou cet Autre temps qui les contient : L’Étoile infiniment proche et toujours inaccessible, qui nous aveugle et nous éclaire, afin qu’aveuglés ou dans la lumière, nous nous découvrions libres et conduits…

(L’Absurde et la Grâce p.416)

Photo© Jean-Yves Leloup

 

Apophatique

« Tout concept formé par l’entendement pour tenter d’atteindre et de cerner la Nature Divine ne parvient qu’à façonner une idole de Dieu, non à Le faire connaître », disait l’évêque Grégoire de Nysse (Vie de Moïse, P.G.446377) au IVe siècle (330 env. à 395) de notre ère…

(Écrits sur l’Hésychasme p.91)

…La théologie apophatique et contemplative (qui) se développera dans les siècles suivants (dès le 2e siècle, Saint Justin 100-165)

« De Dieu, il est impossible de dire ce qu’Il est en Lui-même, et il est exact d’en parler par le rejet de tout. Il n’est en effet rien de ce qui est. Non qu’Il ne soit d’aucune manière, mais parce qu’Il est au-dessus de tout ce qui est, au-dessus de l’être même. » (Saint Jean Damascène 749, de la foi orthodoxe,I )

(L’Évangile de Philippe p.37)

S’il est bon de se taire, il est pourtant nécessaire de parler, de nouveau, l’Évangile de Philippe ne s’enferme pas dans la dualité « ou bien, ou bien » il précise : la Vérité se sert des mots dans le monde

Parce que sans ces mots Elle demeurerait totalement inconnaissable.

La Vérité est une et multiple.

Afin de nous enseigner l’Un innombrable de l’Amour. (Logion 12, 7-10)

(L’Évangile de Philippe p.38)

Nous sommes dans le monde, et ce monde c’est le monde des mots et des malentendus. Il faut néanmoins tenter de se faire entendre, si ce n’est de se faire comprendre : c’est ce que l’Évangile de Philippe nous propose en abordant des sujets qui furent sans doute à son époque des thèmes à interprétations divergentes et le demeurent encore aujourd’hui.

(L’Évangile de Philippe p. 38 )

…Nous retrouvons ici la grande tradition apophatique des Pères : YHWH demeure incompréhensible, inaccessible ; ce que nous connaissons de Lui, ce sont Ses Noms, Ses qualités, Ses reflets – Grégoire de Palamas dira Ses « énergies », à savoir le Fils et le Saint Esprit ; l’Essence demeure inaccessible.

Du soleil, nous connaissons les rayons, le cœur du soleil – là même où sa lumière est la plus dense – nous est à jamais caché. « Le cœur de la lumière est noir » disent les physiciens et les mystiques ; ce qu’il faut prendre comme des analogies, non comme des concordismes, pour nous dire que, dans le domaine de la matière, comme celui de l’esprit, l’essentiel nous échappe. Ce qui peut nous en approcher, c’est le silence et le repos…

L’Évangile de Marie, Myriam de Magdala ( p.195)

…La démarche apophatique…ne conduit nullement à l’absurde et au nihilisme.

…Si l’apophase rappelle le caractère symbolique du langage, elle va également se forger une langue qui lui est propre où abondent les termes « négatifs » : invisible, ineffable, infini, incréé, inaccessible, c’est-à-dire non visible, non dicible, non fini, non créé, etc.

(Écrits sur l’Hésychasme p.91/93)

…La voie apophatique n’est donc pas seulement une théologie négative. La Réalité absolue est au-delà de la négation comme de l’affirmation, c’est-à-dire au-delà du fonctionnement duel de l’esprit : ni ceci ni cela.

L’apophase est ainsi appréhension directe du Réel « Tel qu’il EST », sans que l’appareil psycho-mental entre en fonction, sans qu’il s’y projette et le déforme. C’est voir sans yeux, comprendre sans esprit. Et si ce n’est que le semblable que peut comprendre le semblable, il faut être devenu Dieu pour comprendre QUI est Dieu.

(Écrits sur l’Hésychasme p. 97)

…L’apophase, le sens du mystère conduit le spirituel à l’humilité et en même temps à la transfiguration de tout son être dans la lumière et dans l’amour.

(Écrits sur l’Hésychasme p.113)