« Du roseau pensant au réseau conscient »

L’homme n’est pas un « roseau pensant » comme le dit Pascal, mais plutôt un « réseau pensant » ou plus exactement un réseau de consciences plus profond que les réseaux d’affects et de concepts qui s’agitent plus qu’ils n’agissent à la surface de la planète.

Sortir de l’agitation, apaiser nos pensées, découvrir le « sigélium » (de sigè – silence) qui relie silencieusement les consciences profondes des êtres humains sur tous les continents, est-ce une issue au chaos que nous vivons ou subissons ?

Un ami me disait il y a quelques jours : « Ce n’est pas en restant assis sur un coussin qu’on sauve le monde, vous devriez avoir honte de rester ainsi, silencieux, immobile, pendant que des hommes, des femmes, des enfants sont « rayés de la carte… »

Je réponds : « et vous, que faites-vous ?, assis devant votre tv, ordinateur ou smartphone, en train de regarder des images plus ou moins fabriquées, à vous exciter, vous lamenter, vous mettre en colère ou vous culpabiliser…

Est-ce que cela change quelque chose ?

Si vous ne pouvez rien faire concrètement pour changer les évènements et le cours de l’histoire, vous pouvez encore vous changer vous-même, et puisque vous faites partie, intriquée, interdépendante de cette histoire, vous pouvez ainsi très concrètement modifier son cours, sans rajouter de la violence à la violence, de la souffrance à la souffrance, de la culpabilité ou de la condamnation, à l’horreur…

Être assis sur notre coussin, tourné vers l’intérieur et la profondeur silencieuse et bienheureuse de notre être, c’est être tourné vers la profondeur silencieuse et bienheureuse de tous les êtres, c’est communiquer et agir de façon sans doute plus subtile mais tout aussi réelle.

Nos corps séparés ne sont pas seulement matières, mais aussi énergies et ils influent les uns sur les autres. Ces corps-énergies sont aussi des corps « informés » par une information commune à tous les corps. Cette information est manifestation d’une conscience intelligente, insaisissable, infinie et cette conscience est reliée à une source silencieuse, origine de tout ce qui vit, désire, pense, aime et respire…

Dans ces instants d’assise profonde, c’est à partir de la Source silencieuse, de ce fond et de ce don abyssal que nous agissons, nous nous approchons de l’acte pur qui fait être tout ce qui est.

Notre action est vraiment efficace que par participation à cet acte pur…

L’amour n’est pas un vain mot, mais une force subatomique, dont les informations structurantes défient toutes énergies et particules destructrices.

Faut-il parler de néguentropie ? Si on veut éviter tout ce jargon pseudo-scientifique, il suffit de rappeler que l’être humain est un réseau conscient, il est traversé de mille et une informations ; si ce réseau, si cette conscience « a un cœur, » et que ce cœur est apaisé, il prendra les bonnes décisions, il agira…comme la brise, comme un « trou blanc » où se résorbent les tempêtes…

Jean Yves Leloup – juin 2024

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