« Qu’avons-nous d’inoubliable ? »

Y a-t-il entre nous quelque chose d’inoubliable ?
Quelque chose qu’aucune déflagration atomique n’emportera,
quelque chose que la grande fosse commune du temps
ne saurait engloutir ?

Toi, dont les dégradations lentes de ma mémoire
effacent le nom et le visage,
qu’as-tu d’inoubliable ?

Tout est-il vraiment impermanent ?
Est-ce de ton impermanence, de la mienne et de toute chose
dont je dois me souvenir pour être lucide et vrai ?

Cette impermanence,
n’est-ce pas ce que nous avons de plus singulier et de plus commun ?
un immémorial qui précède tout chagrin et toute nostalgie, c’est-à-dire toute mémoire.

Prendre soin de notre impermanence…
Chérir ce qui doit bientôt disparaître
plutôt que folie et l’illusion.

N’est-ce pas miracle de l’amour
et de la grâce,
qui seuls peuvent arracher à l’emprise de l’oubli
et de la mort ces fragments de chair et de conscience que j’appelle toi,
et ces humeurs irascibles et changeantes
que tu prends pour moi ?

Où peut s’enraciner
la relation de deux, trois ou mille impermanences,
sinon dans ce fond d’immémorial dont la tendresse, parfois (
même en temps de guerre) ravive le souvenir ?

Jean Yves Leloup – décembre 2025

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