Jean-Yves Leloup:
«Toujours inconnu, toujours à connaître»
25-06-2013
Jean-Yves Leloup, auteur de nombreux ouvrages et prêtre orthodoxe, parle de sa foi et d’une spiritualité pour aujourd’hui. Avant sa venue en Suisse
Jean-Yves Leloup : « Une expérience intime, au-delà de au delà de nos savoirs. »
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Votre parcours religieux est particulier. Vous étiez moine dominicain avant de devenir prêtre orthodoxe. Pourquoi un tel changement ?
Jean-Yves Leloup : Dans « L’Absurde et la grâce », je raconte mon enfance et adolescence athée et comment, après « une mort clinique » à Istanbul, je suis allé au Mont Athos. Là j’ai été baptisé orthodoxe. Ensuite j’ai voulu connaître la tradition catholique romaine chez les dominicains, avant de retourner dans une Eglise qui me semble demeurer fidèle aux racines de la tradition chrétienne.
Vous n’avez pas pensé devenir protestant ?
Par mon amour toujours émerveillé des Evangiles, je me sens en effet très proche des protestants.
Que vous apporte la spiritualité orthodoxe ?
L’enracinement des Evangiles dans la tradition des pères et surtout la pratique de la prière du cœur. La prière « dans le Souffle et la vigilance » transmise à la Samaritaine par Yeshoua, Jésus.
Vous avez été moine dominicain à la Sainte-Baume. Un site au sud de la France où Marie Madeleine aurait séjourné ?
La Sainte-Baume est un haut lieu de mémoire – avec Saint-Maximin, Arles, Saint-Victor à Marseille – des origines du christianisme en Europe. Pour les croyants, la présence de Marie Madeleine, « apôtre des apôtres », y est très sensible.
Votre approche de la religion ne suit pas non plus les sentiers battus…
Le chemin proposé par l’Evangile n’est-il pas un chemin toujours neuf ? Peut-on savoir à l’avance là où l’Amour nous conduit ?
Plusieurs de vos livres concernent les écrits apocryphes. Les textes canoniques ne nous en disent-ils pas assez ?
A l’origine il n’y avait ni textes canoniques, ni textes apocryphes mais des textes considérés comme divinement inspirés ou comme témoignages véridiques. Ensuite certains ont été considérés comme utiles à l’édification de l’institution naissante et d’autres considérés comme inutilisables par les pouvoirs en place, et donc rejetés.
Vous avez écrit une cinquantaine de livres. Notamment une traduction et un commentaire de l’Evangile de Jean. Votre préféré ?
L’Evangile de Jean me semble le plus spirituel et le plus concret des Evangiles, avec des détails horaires et topographiques. C’est une invitation à garder le regard tourné vers le ciel en maintenant les pieds bien sur terre. En Jésus, l’éternité et le temps – soit l’histoire – ne sont plus opposés.
Vous avez aussi traduit l’Evangile de Thomas, qui est peu connu. Que nous apprend-il ?
C’est un recueil de paroles attribuées à Jésus « le Vivant », certaines de ces paroles sont considérées comme antérieures à la rédaction des autres évangiles. Elles ont une saveur de source et nous tiennent dans la proximité de celui qui les a prononcées.
Vous vous intéressez aussi à la façon de vivre une vraie spiritualité aujourd’hui. Comment le voyez-vous ?
C’est la spiritualité de Yeshoua, Jésus, tourné vers le Père, comme le dit le prologue de saint Jean, avec une infinie compassion pour tous les êtres créés. Un amour de Dieu, un amour des hommes en actes, qui joint service et contemplation.
Qu’est-ce qui peut apaiser notre désir et nous donner cette invincible tranquillité du cœur dont parlent les Pères du désert ? C’est le titre de votre conférence. Pouvez-vous y répondre en quelques mots ?
Qui est-ce qui peut apaiser notre soif si ce n’est la Source ? Où est la Source de notre vie, de notre conscience et de notre amour ? C’est sans doute là qu’il faut chercher et trouver l’apaisement.
Votre dernier livre, « Un obscur et lumineux silence », est une traduction de la « Théologie mystique » de Denys l’Aréopagite. Que nous enseigne ce texte du VIe siècle ?
Il nous enseigne que Dieu est toujours au-delà de ce que nous pouvons en dire et en penser. Il nous rappelle que nos idées sur Dieu sont souvent des idoles et que le Dieu auquel nous pensons risque de n’être qu’une pensée. Il nous invite à une expérience intime au-delà de nos savoirs.
Les chrétiens d’autrefois ont-ils encore quelque chose à nous dire ?
« Le Christ est le même hier, aujourd’hui, toujours », mais l’aimons-nous avec la même intensité, la même joie, la même fraîcheur hier, aujourd’hui, toujours ?
Qu’est-ce qui reste de plus précieux du christianisme, pour nous qui vivons vingt siècles plus tard ?
Jésus Christ « le même, hier, aujourd’hui, toujours » toujours inconnu, toujours à connaître, toujours à aimer.
▪ V.Vt